Circulaire aux banques n°2025-06
Objet : Règles minimales régissant l’enrôlement électronique des clients.
Le Gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie,
Vu la loi organique n°2004-63 du 27 juillet 2004 portant sur la protection des données à caractère personnel ;
Vu la loi organique n°2015-26 du 7 août 2015 relative à la lutte contre le terrorisme et à la répression du blanchiment d’argent telle que modifiée et complétée par la loi organique n°2019-09 du 23 janvier 2019 ;
Vu la loi n°2000-83 du 9 août 2000 relative aux échanges et au commerce électronique ;
Vu la loi n°2005-51 du 27 juin 2005 relative au transfert électronique de fonds ;
Vu la loi n°2016-35 du 25 avril 2016 portant fixation du statut de la Banque Centrale de Tunisie ;
Vu la loi n°2016-48 du 11 juillet 2016 relative aux banques et aux établissements financiers ;
Vu la circulaire aux établissements de crédit n°2006-01 du 28 mars 2006 relative à la réglementation des opérations d’externalisation ;
Vu la circulaire aux établissements de crédit n°2006-19 du 28 novembre 2006 relative au contrôle interne ;
Vu la circulaire aux banques et aux établissements financiers n°2017-08 du 19 septembre 2017 relative aux règles de contrôle interne pour la gestion du risque de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme telle que modifiée et complétée par la circulaire n°2018-09 du 18 octobre 2018 ;
Vu la circulaire aux banques et aux établissements financiers n°2021-05 du 19 août 2021 relative au cadre de gouvernance des banques et des établissements financiers ;
Vu la circulaire aux banques et aux établissements financiers n°2024-02 du 29 janvier 2024 relative aux conditions de commercialisation et de tarification des produits et services financiers ;
Vu l’avis du Comité de Contrôle de la Conformité n°2025-06 du 28 février 2025, tel que prévu par l’article 42 de la loi n°2016-35 du 25 avril 2016 portant fixation du statut de la Banque Centrale de Tunisie ;
Décide :
TITRE PREMIER : DISPOSITIONS GÉNÉRALES
Article premier :
Les mesures instituées par la présente circulaire constituent des exigences minimales pour l’enrôlement électronique des clients, sans préjudice de l’application de mesures plus contraignantes par les banques.
Les dispositions de la présente circulaire viennent compléter celles de la circulaire aux banques et aux établissements financiers n°2017-08 du 19 septembre 2017 relative aux règles de contrôle interne pour la gestion du risque de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme, lesquelles constituent avec la présente circulaire un cadre réglementaire unifié et indissociable.
Article 2 :
Au sens de la présente circulaire, on entend par :
- -Enrôlement électronique des clients : le processus par lequel la banque recourt à un procédé technologique automatisé ou semi-automatisé pour digitaliser tout ou une partie du processus de collecte, de vérification et de conservation des éléments d’identification des clients.
- -Identification électronique : le processus consistant en l’utilisation de données d’identification à caractère personnel sous une forme électronique représentant de manière univoque une personne physique ou morale.
- -Taux de fausses acceptations (TFA) : la probabilité que le procédé technologique accepte la demande d’entrée en relation avec une personne alors qu’elle devrait être rejetée. Ce taux renseigne sur la capacité du procédé technologique à détecter les tentatives de vérification d’identité non authentiques. Il est calculé selon la formule suivante :

- -Faux positifs : les cas où le procédé technologique a vérifié et accepté l’identité d’une personne alors qu’elle aurait dû être refusée.
- -Vrais positifs : les cas où le procédé technologique a correctement vérifié et accepté l’identité d’une personne.
- -Faux négatifs : les cas où le procédé technologique a rejeté à tort la vérification d’identité d’une personne alors qu’elle aurait dû être acceptée.
- -Vrais négatifs : les cas où le procédé technologique a correctement rejeté la vérification d’identité d’une personne.
- -Dispositif de gestion des incidents : l’ensemble de procédures que la banque doit mettre en place en cas de violation de la sécurité, de tentative de fraude, ou de toute autre activité suspecte.
- -Scalabilité : la capacité de résistance d’un procédé technologique à une montée en charge pour pouvoir gérer une augmentation du nombre d’utilisateurs de manière efficace et sans perte de performance.
- -Registre de performance : le registre de performance enregistre les indicateurs clés permettant d’évaluer l’efficacité et la fiabilité du procédé technologique mis en place pour l’enrôlement électronique des clients.
- -Preuve de vie : le processus permettant de vérifier qu’une personne fournissant des données biométriques est réellement un être humain vivant.
Article 3 :
Dans le cas où la banque procède à l’enrôlement électronique des clients, elle doit :
- -recourir à un procédé technologique respectant les exigences minimales définies au niveau de la présente circulaire ;
- -mettre en place des mesures de vigilance proportionnelles aux profils de risques des clients, et ;
- -garantir un niveau de vérification de l’identité au moins équivalent à celui impliquant la présence physique des clients conformément à la circulaire n°2017-08.
TITRE II : RÈGLES DE GOUVERNANCE
Article 4 :
La banque qui envisage le recours à l’enrôlement électronique des clients doit mettre en place des procédures formalisées, adéquates et cohérentes avec ses politiques d’appétence pour le risque et de protection des intérêts des usagers des services bancaires et de leurs données personnelles, telles que prévues par la circulaire aux banques et aux établissements financiers n°2021-05 du 19 août 2021.
Ces procédures doivent être approuvées par l’organe d’administration de la banque et comportent notamment :
- -une description détaillée du processus d’enrôlement électronique des clients de bout en bout avec notamment la procédure d’entretien ainsi que les étapes qui sont entièrement automatisées et celles qui nécessitent une intervention humaine ;
- -une description détaillée du procédé technologique à mettre en place pour l’enrôlement électronique des clients ;
- -une cartographie des risques associés à l’enrôlement électronique des clients tels que les risques opérationnels, les risques liés au traitement de données à caractère personnel et à l’usurpation d’identité, le risque cybernétique, le risque de scalabilité, le risque d’interruption de l’activité ainsi que les risques de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme ;
- -les mesures d’atténuation des risques ;
- -le dispositif de gestion des incidents pour l’identification et la résolution des problèmes pouvant impacter la sécurité ou la performance du processus d’enrôlement électronique des clients, et ;
- -le cas échéant, le recours total ou partiel aux tiers lors du processus d’enrôlement électronique des clients.
Article 5 :
La banque ayant adopté les procédures visées à l’article 4 de la présente circulaire doit :
- -allouer les ressources financières et techniques nécessaires ;
- -s’assurer en continu de la sécurité et de la performance du procédé technologique d’enrôlement électronique des clients ;
- -assurer des programmes de formation continue pour le personnel impliqué dans le processus d’enrôlement électronique des clients ;
- -mettre en place un dispositif de gestion des risques associés à l’enrôlement électronique des clients, en mettant l’accent sur la sécurité des données et l’intégrité des systèmes, et ;
- -assurer une veille technologique continue pour assurer l’adaptabilité et la résilience des procédés technologiques utilisés.
TITRE III : EXIGENCES TECHNIQUES MINIMALES
Article 6 :
Lors de l’enrôlement électronique des clients, la banque doit recueillir les éléments d’identification des clients et des bénéficiaires effectifs conformément à la circulaire aux banques et aux établissements financiers n°2017-08.
La banque est tenue de vérifier l’identité des clients. A cet effet, elle doit notamment :
- -recueillir le consentement préalable du client quant au traitement de ses données à caractère personnel ;
- -mettre en place une combinaison adéquate de facteurs d’authentification pour l’identification électronique des clients, proportionnelle aux risques évalués ;
- -vérifier l’authenticité et l’intégrité des documents d’identification fournis par le client lorsqu’une connexion ou une intégration est disponible avec les systèmes électroniques des organismes compétents ayant délivré ces documents. Dans le cas où l’accès à distance aux informations requises n’est pas possible, l’entrée en relation ne peut être validée. A cet effet, la banque procède à une vérification manuelle des documents d’identification fournis par le client ;
- -s’assurer de la présence réelle du client à l’aide d’une technologie de communication audiovisuelle ou de reconnaissance faciale ou de toute autre technologie fiable permettant de confirmer la preuve de vie ;
- -procéder à une analyse de correspondance entre les données d’identification du client introduites et celles biométriques, en recourant à la technique de reconnaissance de caractère.
Article 7 :
Lors de l’enrôlement électronique des clients, la banque doit assurer le filtrage et le profilage conformément à la circulaire aux banques et aux établissements financiers n°2017-08.
Article 8 :
La banque doit s’assurer, qu’au bout du processus d’enrôlement électronique, le procédé technologique utilisé génère automatiquement une fiche d’identification du client « KYC » consignant au moins toutes les informations requises par la circulaire n°2017-08.
En cas de modification des données du client, la fiche d’identification doit être mise à jour dans un délai ne dépassant pas un mois.
Article 9 :
Pour les clients personnes morales, et en sus des mesures prévues par les articles 6, 7 et 8 de la présente circulaire, la banque doit recueillir la version papier des documents d’identification du client.
La validation de l’entrée en relation est tributaire de la collecte au préalable des documents d’identification, à moins qu’un risque faible ait été dûment évalué et documenté.
Article 10 :
Le consentement du client aux conditions de l’entrée en relation intervient à sa signature de manière électronique ou manuscrite. Lorsque la signature est électronique, elle doit reposer sur un mode fiable d’identification qui établit un lien sûr entre la signature et le document électronique auquel elle se rattache.
Article 11 :
La banque doit prendre toutes les mesures nécessaires pour la conservation d’une manière sécurisée des fiches « KYC », des données personnelles, des copies des documents d’identité et autres documents nécessaires prévus par la circulaire n°2017-08 et recueillis dans le cadre de l’enrôlement électronique des clients.
Ces mesures doivent garantir, avec un procédé cryptographique fiable, l’intégrité de ces documents.
Article 12 :
La banque est tenue de s’assurer de la fiabilité du procédé technologique d’enrôlement électronique des clients préalablement à sa mise en œuvre. A cet effet, elle doit notamment :
- -soumettre le procédé technologique, avant sa mise en production, à des tests dont les résultats doivent être consignés dans un registre de performance tenu sur une base
mensuelle conformément à l’annexe 1 à la présente circulaire et prendre les mesures nécessaires pour minimiser le taux de fausses acceptations (TFA).
- -soumettre le procédé technologique à des tests d’intrusion effectués par un organisme d’audit homologué par l’Agence Nationale de la Cybersécurité afin de détecter la présence de vulnérabilités pouvant avoir un impact significatif sur la protection de données à caractère personnel ou la sécurité des opérations, et ;
- -établir un dispositif de gestion des incidents pouvant survenir lors de l’enrôlement électronique des clients.
Il demeure entendu que la mise en production du procédé technologique est conditionnée par sa capacité technique à éliminer tous les cas de fausses acceptations.
Article 13 :
Les procédures prévues par la présente circulaire font partie du dispositif de contrôle interne pour la gestion du risque blanchiment d’argent et du financement du terrorisme.
Lesdites procédures et le procédé technologique employé pour l’enrôlement électronique des clients doivent faire l’objet, chaque deux ans, d’une mission d’audit dont les résultats doivent être approuvés par le comité d’audit.
Ces résultats doivent être documentés et conservés pour examen par la Banque Centrale de Tunisie.
TITRE IV : RECOURS AUX TIERS
Article 14 :
Dans le cas où une banque compte recourir à un tiers pour la réalisation d’une partie ou la totalité du processus d’enrôlement électronique des clients, elle doit notamment :
- -se conformer aux dispositions de la circulaire n°2017-08 relative aux règles de contrôle interne pour la gestion du risque de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme ;
- -s’assurer que le tiers prestataire est en mesure de fournir les documents nécessaires pour répondre aux exigences de la circulaire n°2017-08, et de permettre à la banque d’accéder aux systèmes électroniques, sites web ou bases de données pour vérifier la validité et la véracité de ces documents, données ou informations, conformément à la réglementation en vigueur ;
- -se conformer aux dispositions légales et réglementaires régissant les opérations d’externalisation notamment celles prévues par l’article 81 de la loi n°2016-48 relative aux banques et aux établissements financiers ;
- -s’assurer que le tiers prestataire a soumis le procédé technologique à des tests conformément aux dispositions de l’article 12 de la présente circulaire, et ;
- -soumettre les activités objet du recours aux tiers à des audits annuels pour évaluer leur conformité à la réglementation applicable et leur adéquation avec les standards de sécurité et de fiabilité requis.
Article 15 :
Sans préjudice des dispositions légales et réglementaires régissant les opérations d’externalisation, le contrat à conclure avec le tiers, sur avis favorable du responsable de contrôle de la conformité de la banque, doit inclure au minimum les éléments suivants :
- -la tenue des registres et la gestion des données, informations et documents, ainsi que le respect de leur confidentialité ;
- -la définition des circonstances dans lesquelles la banque peut évaluer les manquements du tiers à ses obligations et prendre les mesures correctives nécessaires ;
- -la détermination des cas dans lesquels la banque pourrait examiner le défaut de performance du tiers dans l’exécution de ses obligations et prendre les mesures nécessaires ;
- -le droit de la banque d’avoir accès en temps voulu à toutes les données, informations et documents pertinents pour les procédures d’enrôlement électronique mises en place par le tiers ;
- -l’interdiction pour le tiers de divulguer les données, informations et documents relatifs aux procédures d’enrôlement électronique sauf dans les cas autorisés par la loi ;
- -l’interdiction pour le tiers de sous-traiter les opérations qui lui ont été externalisées ;
- -la mise à la disposition de la Banque Centrale de Tunisie, sur sa demande, tous les documents et informations qu’elle juge utile de les avoir et à accepter le contrôle des opérations externalisées à son siège et tout local lui appartenant, et ;
- -la révision périodique systématique des contrats conclus avec des tiers et la mise à jour de ceux-ci, si nécessaire.
Le recours aux tiers n’exonère en aucun cas la banque de sa responsabilité finale quant à l’exécution par le tiers du processus d’enrôlement électronique des clients et de la satisfaction de la banque aux exigences de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme et de toute exigence prévue au niveau de la présente circulaire.
TITRE V : INFORMATION DE LA BANQUE CENTRALE DE TUNISIE
Article 16 :
Sans préjudice des dispositions de l’article 17 de la circulaire n°2024-2 et préalablement à la mise en place d’un procédé technologique d’enrôlement électronique des clients, la banque doit adresser à la Banque Centrale de Tunisie un dossier comprenant notamment :
- -le processus d’enrôlement électronique des clients précisant les étapes qui sont entièrement automatisées et celles qui nécessitent partiellement une intervention humaine ;
- -une description du procédé technologique que la banque compte mettre en place pour recueillir, vérifier et conserver les informations des clients tout au long du processus d’entrée en relation d’affaires à distance ;
- -un rapport détaillé sur les risques associés au processus d’enrôlement électronique, incluant le niveau de risque résiduel de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme, le risque d’usurpation d’identité et sur les données personnelles, le risque cybernétique, le risque de scalabilité ou d’interruption d’activité, ainsi que les mesures additionnelles prises pour leur atténuation ;
- -une copie du rapport des tests d’intrusion effectués par l’organisme d’audit homologué par l’Agence Nationale de la Cybersécurité ;
- -une évaluation de la performance du procédé technologique basée sur un échantillon test en phase de préproduction, y compris une analyse des taux de TFA observés conformément à l’annexe 1 de la présente circulaire ;
- -des actions proposées pour réduire le TFA ;
- -des mesures d’atténuation ou contrôles additionnels envisagés pour maintenir l’efficacité du processus d’enrôlement.
En cas de recours à un tiers, la banque est tenue de faire part à la Banque Centrale de Tunisie, en sus des documents cités au niveau du premier alinéa du présent article, du contrat à conclure ainsi que des attestations actualisées du tiers pour le traitement des données personnelles et biométriques délivrées par l’Instance Nationale de Protection des Données Personnelles.
Article 17 :
La banque est tenue d’informer sans délai la Banque Centrale de Tunisie de la survenance de tout incident technique, technologique ou fonctionnel majeur liés à l’enrôlement électronique des clients.
Cette notification doit détailler la nature de l’incident, les causes sous-jacentes, les procédures de notification des clients ainsi que les actions correctives à entreprendre par la banque en réponse à cet incident.
TITRE VI : DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET ENTRÉE EN VIGUEUR
Article 18 :
La présente circulaire entre en vigueur à compter de la date de sa publication.
Les banques qui ont été autorisées par la Banque Centrale de Tunisie à mettre en place un processus d’enrôlement électronique des clients avant la date de publication de la présente circulaire doivent se conformer à ses dispositions dans un délai ne dépassant pas six (06) mois à compter de la date de son entrée en vigueur.
Le Gouverneur,
Fethi Zouhaier NOURI
Annexe 1 à la circulaire n°2025-06 du 28 février 2025 Registre de performance du procédé technologique utilisé
pour l’enrôlement électronique des clients
DonnéesMois 1Mois p |
---|
Taille totale de l’échantillon des cas d’identification et de vérification |
Nombre de cas de vrais positifs |
Nombre de cas de vrais négatifs |
Nombre de cas de faux positifs |
Nombre de cas de faux négatifs |
Taux de fausses acceptations (%) |