Tunis, le 11 octobre 2016
CIRCULAIRE AUX BANQUES ET AUX ETABLISSEMENTS FINANCIERS n°2016-06 RELATIVE AU SYSTEME DE NOTATION DES CONTREPARTIES
Le Gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie,
Vu la loi n°2016-35 du 25 avril 2016 portant statuts de la Banque Centrale de Tunisie ;
Vu la loi n°2016-48 du 11 juillet 2016, relative aux banques et aux établissements financiers ;
Vu la circulaire aux établissements de crédit n°91-24 du 17 décembre 1991 relative à la division, couverture des risques et suivi des engagements telle que modifiée par les textes subséquents ;
Vu la circulaire aux établissements du crédit n°2006-19 du 28 novembre 2006 relative au contrôle interne et notamment son article 25;
Vu la circulaire aux établissements de crédit n° 2011-06 du 20 mai 2011 relative au renforcement des règles de bonne gouvernance dans les établissements de crédit ;
Vu la note aux banques et établissements financiers n° 93-23 du 30 juillet 1993, relative aux termes de référence pour l’audit des comptes ;
Vu la délibération du Conseil d’Administration de la Banque Centrale de Tunisie en date du 28 septembre 2016 ;
Vu l’avis n°05-2016 du Comité de contrôle de la conformité en date du 05 octobre 2016, tel que prévu par l’article 42 de loi n°2016-35 du 25 avril 2016 portant statuts de la Banque Centrale de Tunisie ;
Décide :
Article premier : Au sens de la présente circulaire, on entend par :
Etablissement : Une banque ou un établissement financier au sens la loi n°2016-48 du 11 juillet 2016 relative aux banques et aux établissements financiers.
Conseil : Le Conseil d’Administration ou le Conseil de Surveillance.
Organe de direction : La Direction Générale ou le Directoire.
Transaction : Tout concours qui constitue un engagement de l’établissement engendrant un risque de crédit, quels que soient sa nature, sa maturité, sa domiciliation ou la contrepartie concernée. Outre les financements, les engagements par signature, les instruments de couverture et les dérivés entrent dans le champ des transactions.
Défaut : Une situation où un établissement estime improbable que la contrepartie rembourse en totalité son engagement sans qu’elle ait besoin de prendre des mesures appropriées telles que la réalisation d’une garantie ou lorsque l’arriéré de la contrepartie sur l’un de ses engagements significatifs dû à l’établissement dépasse 90 jours.
Système de notation : L’ensemble des méthodes, des procédés, des contrôles, des systèmes de collecte de données et des systèmes informatiques qui permettent l’évaluation du risque de crédit, la notation des contreparties et leur affectation à une classe de risque et la quantification du défaut et des estimations de pertes pour un type de contrepartie donnée.
Article 2 : L’objet de cette circulaire est d’édicter un certain nombre de principes inspirés du cadre bâlois relatifs à la conception, à la structure, à la mise à jour, à l’utilisation et au contrôle du système de notation qui constituent des exigences minimales à respecter par les établissements afin de pouvoir attribuer une note à chaque contrepartie en application de l’article 25 de la circulaire N°2006-19 du 28 novembre 2006 relative au contrôle interne.
Cette notation interne doit jouer un rôle principal dans le processus d’octroi des crédits, la politique de tarification appliquée aux clients, la politique de gestion des risques et dans l’allocation interne des fonds propres en préparation de l’adoption de l’approche basée sur les notations internes de l’accord de bâle II.
Article 3 : Les dispositions qui suivent s’appliquent pour la notation des catégories de contreparties suivantes : Souverains, Banques, Etablissements financiers et Entreprises.
CHAPITRE PREMIER : PARAMETRES DE NOTATION ET STURCTURE DU SYSTEME DE NOTATION
Article 4 : Le système de notation doit satisfaire aux exigences suivantes :
- a) Il comprend deux paramètres distincts : des facteurs spécifiques à la contrepartie qui portent sur l’appréciation du risque attaché à la contrepartie elle-même, quelle que soit la nature de la transaction et des facteurs spécifiques à la transaction qui intègrent la nature de l’opération et l’appréciation de la qualité des garanties reçues en couverture.
- b) Il comporte une échelle de notation des contreparties qui reflète exclusivement la quantification de leur risque de défaut. Cette échelle comporte au moins sept notes pour les contreparties qui ne sont pas en défaut et une note pour les contreparties en défaut. Chaque note correspond à un niveau de risque défini sur la base d’un ensemble de critères de notation spécifiques et suffisamment distincts permettant d’évaluer le risque de défaut des contreparties concernées.
- c) Les établissements définissent la relation entre les notes des contreparties associées à un niveau de risque de défaut et les critères utilisés pour déterminer ce niveau.
- d) Les établissements dont les portefeuilles sont concentrés sur un segment de marché spécifique et dans une certaine fourchette de risque de défaut doivent disposer d’un nombre suffisant de notes de contreparties dans cette fourchette pour éviter une concentration excessive des contreparties sur une note donnée.
- e) Les concentrations importantes sur une note donnée doivent être justifiées par des preuves empiriques convaincantes établissant que la catégorie de contreparties en question est couverte par une fourchette raisonnablement étroite de probabilité de défaut et que le risque de défaut inhérent à toutes les contreparties en faisant partie correspond à cette fourchette.
- Article 5 : Pour la conception de leur système de notation, les établissements doivent se baser sur des définitions, des procédures et des critères de notation formalisés pour la notation des contreparties ou leur affectation aux différentes classes de risque. Les exigences suivantes doivent être satisfaites :
- a) Les définitions et les critères sont suffisamment détaillés pour permettre aux personnes en charge de l’affectation des notes, d’attribuer aux contreparties présentant le même risque la même note, de façon cohérente à travers les lignes de métiers, les départements ou les implantations géographiques concernés ;
- b) La documentation des procédures de notation permet à l’audit interne et aux tiers externes, tels que les commissaires aux comptes et la Banque Centrale de Tunisie, de comprendre les modalités d’attribution des notes, de pouvoir procéder à leur reconstitution et d’évaluer si les affectations aux différentes notes sont bien appropriées ;
- c) Les critères utilisés sont en adéquation avec les politiques et procédures internes d’octroi de crédit et avec les politiques de gestion du risque de crédit.
- d) Les critères et procédures de notation sont revus périodiquement, et au moins une fois par an, afin de déterminer s’ils demeurent adaptés au portefeuille de l’établissement et à son environnement économique.
- Article 6 : Les établissements doivent tenir compte de toutes les informations pertinentes pour attribuer une note aux contreparties. Un établissement doit être d’autant plus prudent dans sa politique de notation qu’il dispose d’un nombre d’informations limité sur la contrepartie. Lorsqu’un établissement se fonde sur une notation externe comme premier facteur de détermination de sa notation interne, il veille à tenir compte d’autres informations pertinentes.
- Article 7 : Bien que la valeur de la probabilité de défaut soit estimée sur un horizon d’un an, les établissements doivent se baser sur des horizons plus lointains pour l’attribution des notes. Les horizons retenus doivent être consignés par écrit et spécifiés à l’intention des notateurs.
La note doit permettre d’évaluer l’aptitude et la volonté de la contrepartie à honorer ses engagements, même dans des conditions économiques défavorables ou en cas d’événements imprévus. A cet effet, il y a lieu :
- soit de procéder périodiquement et au moins une fois par an à la simulation de situations de crises plausibles pour fonder les notations,
- soit, sans préciser un scénario de crise particulier, de tenir compte des facteurs de vulnérabilité caractérisant la contrepartie face à des situations économiques difficiles ou des événements imprévus.
La gamme des situations économiques envisageables doit intégrer la situation présente et les situations qui peuvent affecter, pendant la durée d’un cycle économique, le secteur économique ou la zone géographique en question. Dans ce cadre, les établissements doivent se montrer prudents dans leurs analyses.
- Article 8 : Lorsqu’un établissement utilise un modèle statistique ou tout autre dispositif mécanisé pour attribuer une note aux contreparties, les conditions suivantes doivent être respectées :
- a) Le modèle a une bonne capacité de prévision et ne comporte pas des biais significatifs. Les variables qui alimentent le modèle forment une base cohérente et efficace permettant d’établir des prévisions.
- b) L’existence d’une procédure permettant de vérifier les données d’entrée du modèle, et plus particulièrement d’en contrôler la fiabilité, l’exhaustivité et la pertinence .
- c) Les données utilisées pour construire le modèle sont représentatives de l’ensemble des contreparties.
- d) L’existence d’un programme de validation du modèle, qui prévoit notamment le contrôle de sa performance et de sa fiabilité, la révision de ses paramètres et l’évaluation des résultats qu’il produit au regard des résultats constatés.
- e) Pour contrôler les notations qu’il produit et pour s’assurer que le modèle est utilisé de façon appropriée, l’analyse et le jugement à dire d’expert complètent le modèle statistique et tiennent compte de toutes les informations pertinentes que le modèle n’intègre pas. Des procédures de revue permettent de détecter et de limiter les erreurs liées à des faiblesses du modèle;
f) L’articulation entre les résultats du modèle et les jugements à dire d’expert est documentée.
Article 9 : Dans le cadre du processus d’évaluation du risque de crédit, une note est attribuée à chaque entité juridique distincte sur laquelle l’établissement détient une exposition ainsi qu’à tous les garants personnes morales.
Le traitement des entités individuelles affiliées à un même groupe ainsi que les circonstances dans lesquelles la même note peut ou non être attribuée à l’ensemble ou à certaines des entités de ce groupe, doivent faire l’objet de procédures détaillées.
La notation du groupe étant effectuée sur une base consolidée, ces procédures spécifient les critères et règles au vu desquels la note d’une entité peut bénéficier du support du groupe auquel elle appartient.
Article 10 : La procédure de notation des contreparties doit satisfaire notamment les exigences suivantes :
- a) l’attribution des notes ainsi que leur révision régulière sont effectuées ou approuvées par une personne indépendante des structures de décision d’octroi ou de renouvellement des crédits. Les pratiques suivies à cet effet sont consignées par écrit dans les procédures de l’établissement et intégrées dans sa politique de crédit ;
- b) les établissements procèdent à la mise à jour de leur notation des contreparties au moins une fois par an. Les contreparties considérées comme particulièrement risquées ou soulevant des difficultés significatives font l’objet d’une révision plus fréquente ;
- c) les établissements mettent en place un processus efficace leur permettant d’obtenir et d’actualiser des informations pertinentes sur les caractéristiques des contreparties qui affectent les probabilités de défaut. Ils disposent d’une procédure d’actualisation rapide de la note permettant l’intégration de ces informations dès leur réception et d’attribuer, le cas échéant, une nouvelle note à la contrepartie
CHAPITRE 2 : DOCUMENTATION RELATIVE AU SYSTEME DE NOTATION
Article 11: Les établissements doivent disposer d’une documentation appropriée comprenant notamment :
- a) la conception et le fonctionnement de leurs systèmes de notation. Cette documentation atteste du respect des exigences minimales fixées dans la présente circulaire et vise notamment la différenciation des portefeuilles, des critères de notation, des responsabilités des personnes chargées de la notation, de la fréquence de révision de ces notes et des modalités de surveillance du système de notation par l’organe de direction ;
- b) les raisons et l’analyse qui ont motivé les choix des critères de notation et qui montrent que ces critères sont en mesure de fournir des notes permettant de différencier les risques de façon significative ;
- c) tout changement important apporté au dispositif de notation. Cette documentation rend compte des modifications mises en œuvre suite aux observations formulées par la structure d’audit interne et par des tierces parties notamment les commissaires aux comptes et la Banque Centrale de Tunisie ;
- d) l’ensemble du dispositif de notation, ainsi que le contrôle interne associé ;
- e) les définitions spécifiques du défaut et de la perte utilisées par l’établissement.
Lorsqu’un établissement utilise des modèles statistiques dans le cadre de son dispositif de notation, il doit documenter la méthodologie en précisant notamment :
- le détail des théories, des hypothèses et des fondements mathématiques et de l’analyse empirique à partir desquels les estimations sont affectées aux notes ;
- les sources des données utilisées pour élaborer le modèle ;
- le dispositif statistique qui doit être utilisé de façon rigoureuse pour valider le modèle ;
- toutes les circonstances dans lesquelles le modèle pourrait présenter un biais.
L’utilisation d’un modèle provenant d’un tiers qui revendique un droit exclusif sur sa technologie n’exonère pas les établissements du respect des exigences du présent chapitre relatives aux systèmes de notation et notamment de l’obligation de fournir la documentation appropriée.
Article 12 : Les données sur les contreparties et les caractéristiques des transactions doivent être collectées et conservées. Elles doivent être suffisamment détaillées pour permettre la réaffectation rétrospective des contreparties à des notes.
A cet effet, l’établissement constitue un historique des notes appliquées antérieurement aux contreparties et aux garants personnes morales, comprenant les informations suivantes :
- a) les dates d’attribution des notes ;
- b) la méthode et les principales données utilisées pour établir les notations ;
- c) l’identité de la personne qui a attribué les notes ;
- d) l’identification des contreparties défaillantes et les expositions en défaut ;
- e) la date et les circonstances de ces défauts ;
- f) les données relatives aux probabilités de défaut et aux taux de pertes associés à chaque note ainsi que la migration des notes.
CHAPITRE 3 : GOUVERNANCE ET CONTRÔLE DU SYSTEME DE NOTATION
Article 13 : Le système de notation des contreparties y compris les principaux éléments des processus de notation est validé par le conseil. Les membres du conseil doivent avoir une bonne connaissance des principes généraux du système de notation du risque et une bonne compréhension des rapports qui lui sont associés.
L’organe de direction doit également avoir une bonne connaissance de la conception du système de notation et de son fonctionnement, valider les différences importantes entre la procédure établie et la pratique. Il doit veiller en permanence à la bonne marche du système de notation et à son efficacité.
L’organe de direction doit tenir le conseil informé de tous les changements ou exceptions majeurs par rapport aux politiques approuvées ayant un impact significatif sur le fonctionnement du système de notation.
Les analyses du profil du risque de crédit de l’établissement sur la base des systèmes de notation internes constituent un élément essentiel des rapports devant être soumis au conseil ou à l’organe de direction. Ces rapports doivent contenir notamment l’indication du profil de risque pour chaque note, les migrations entre les différentes notes, l’estimation des paramètres majeurs pour chaque note et une comparaison entre les taux de défaut réels observés et les prévisions. La fréquence des rapports peut varier en fonction de l’importance et du type d’information et du niveau hiérarchique ou fonctionnel du destinataire.
Article 14 : La structure chargée de la gestion du risque de crédit au sein des établissements est responsable de la conception ou la sélection du système de notation, de sa mise en œuvre, de sa surveillance et de son efficacité.
Cette structure est chargée également :
- de procéder aux tests et contrôles des notes ;
- de mettre en œuvre des procédures permettant de s’assurer que les définitions des notes sont appliquées de façon cohérente dans les différents services et implantations géographiques ;
- d’examiner et documenter toute modification apportée à la procédure de notation, notamment les raisons de cette modification ;
- de revoir périodiquement et au moins une fois par an les critères de notation pour déterminer s’ils conservent leur capacité de prévision du risque. Les modifications apportées au processus de notation, aux critères ou aux autres paramètres individuels de notation sont documentés et conservés ;
- de participer activement à la conception ou à la sélection des modèles utilisés dans le processus de notation, à leur mise en œuvre et à leur validation, assurer leur supervision et y apporter des modifications en cas de besoin.
- d’élaborer et d’analyser régulièrement les rapports sur les résultats produits par le système de notation ainsi que les synthèses sur le fonctionnement des systèmes de notation.
Article 15 : La structure d’audit interne est tenue de revoir, au moins une fois par an, le système de notation et son fonctionnement, et de s’assurer du respect des exigences minimales définies dans la présente circulaire. Cette revue donne lieu à la rédaction d’un rapport qui doit être transmis à la Banque Centrale de Tunisie au plus tard un mois après sa validation par le conseil.
CHAPITRE 4 : DISPOSITIONS DIVERSES
Article 16 : Les établissements doivent prendre les mesures nécessaires pour respecter les exigences minimales prévues par cette circulaire et ce, au plus tard fin décembre 2017. Ils doivent adresser à la Banque Centrale de Tunisie au plus tard fin décembre 2016, une feuille de route pour l’implémentation du système de notation des contreparties.
LE GOUVERNEUR,
Chedly AYARI