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Prévention et résolution des créances non performantes

by Samia Sghaier

CIRCULAIRE AUX BANQUES ET AUX ETABLISSEMENTS FINANCIERS N°2022-01

Objet : Prévention et résolution des créances non performantes.

Le Gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie,

Vu la loi n°2016-35 du 25 avril 2016 portant fixation du statut de la Banque Centrale de Tunisie,

Vu la loi n°2016-48 du 11 juillet 2016, relative aux banques et aux établissements financiers,

Vu la circulaire aux banques et aux établissements financiers n°91-24 du 17 décembre 1991, relative à la division, couverture des risques et suivi des engagements, telle que modifiée et complétée par les textes subséquents,

Vu la circulaire aux établissements de crédit n°2006-19 du 28 novembre 2006, relative au contrôle interne,

Vu la circulaire aux banques et aux établissements financiers n°2016-06 du 11 octobre 2016, relative au système de notation interne des contreparties,

Vu la circulaire aux banques et aux établissements financiers n°2017-06 du 31 juillet 2017, relative au reporting comptable, prudentiel et statistique à la Banque Centrale de Tunisie,

Vu la circulaire aux banques et aux établissements financiers n°2021-05 du 19 août 2021, relative au cadre de gouvernance des banques et des établissements financiers,

Vu l’avis du Comité de Contrôle de la Conformité n°2022-01 du 24 février 2022, tel que prévu par l’article 42 de la loi n°2016-35 du 25 avril 2016 portant fixation du statut de la Banque Centrale de Tunisie.

Décide :

Chapitre premier Dispositions générales

Article Premier – La présente circulaire vise à réduire le niveau des créances non performantes dans le bilan des banques et des établissements financiers à travers la mise en place d’un dispositif de prévention et de résolution.

Les règles établies par la présente circulaire constituent des exigences minimales à respecter par les banques et les établissements financiers.

Article 2Au sens de la présente circulaire, on entend par :

Créances non performantes : les créances classées 2, 3 et 4 au sens de la circulaire n° 91-24 susvisée.

Earnings before interest, taxes, depreciation and amortization « EBITDA »: Résultat avant intérêts, impôts, provisions et amortissements.

Etablissement : banque, établissement de leasing ou établissement de factoring au sens de la loi n°2016-48 susvisée.

Groupe d’affaires : Par référence à l’article 2 de la circulaire n°91-24 susvisée, le « groupe » désigne deux ou plusieurs personnes morales ayant entre elles des interconnexions telles que :

  • une gestion commune ;
  • -une interdépendance commerciale ou financière directe telle que les difficultés de l’une se répercutent automatiquement sur l’autre ;
  • des participations directes ou indirectes au capital se traduisant par un pouvoir de contrôle.

Organe d’administration et organe de direction : les organes et personnes visés par la circulaire n°2021-05 susvisée.

Part des engagements bruts non performants dans le total des engagements de l’établissement (en % : ) Engagements classés 2,3 et 4/Total des engagements.

Part des engagements bruts non performants dans le total des engagements de l’établissement compte tenu des engagements cédés aux sociétés de recouvrement des créances (en %): ( Engagements classés 2,3 et 4 de l’établissement+ Engagements cédés aux filiales de recouvrement) /(Total des

engagements de l’établissement+ Engagements cédés aux filiales de recouvrement)

Prévention : le traitement précoce et proactif des créances pour lesquelles le risque de devenir non performantes est élevé.

Résolution : le traitement curatif visant à réduire le niveau des créances non performantes existantes au niveau de l’établissement.

Restructuration des créances : tout accord portant modification des termes du contrat de crédit initial afin de permettre à l’établissement le recouvrement de ses créances (rééchelonnement, consolidation, conversion, abandon partiel ou total, octroi de nouveaux crédits, etc.).

Sociétés de recouvrement des créances : les sociétés au sens de la loi n° 98-4 du 2 février 1998, relative aux sociétés de recouvrement des créances telle que modifiée par les textes subséquents.

Système d’alerte précoce : l’ensemble des procédures et outils permettant d’identifier rapidement les créances susceptibles de devenir non performantes et de réagir de manière adéquate aux signes de difficultés identifiés.

Article 3Les établissements doivent mettre en place un dispositif de prévention et de résolution des créances non performantes qui doit couvrir tout le cycle de vie de la créance et comprendre au moins les éléments suivants :

  • un dispositif de prévention des flux futurs des créances non performantes basé sur un système d’alerte précoce;
  • une stratégie de résolution des créances non performantes telle que définie par l’article 10 ci-après;
  • un plan opérationnel de mise en œuvre de la stratégie de résolution et les moyens nécessaires y afférents (budget, compétences, système d’information etc); et
  • une organisation appropriée et un système de contrôle interne adéquat des processus.

Article 4 – Sans préjudice des dispositions de la circulaire relative au cadre de gouvernance des banques et des établissements financiers susvisée, l’organe d’administration doit notamment :

  • -approuver le dispositif prévu par l’article 3 de la présente circulaire, l’examiner au moins une fois par an et le réviser le cas échéant compte tenu des réalisations, de l’évolution de la situation de l’établissement et de l’environnement économique et réglementaire ; et
  • surveiller l’application du dispositif prévu par l’article 3 de la présente circulaire en assurant un suivi régulier des indicateurs quantitatifs et qualitatifs de performance en matière de prévention et de résolution des créances non performantes.

Le comité des risques est tenu d’assister l’organe d’administration dans la conception du dispositif de prévention et de résolution des créances non performantes et dans le suivi de sa mise en œuvre.

Chapitre 2

Du dispositif de prévention des créances non performantes

Article 5Sans préjudice des dispositions prévues par les circulaires relatives au cadre de gouvernance, au contrôle interne et au système de notation interne des contreparties susvisées, les établissements doivent mettre en place un dispositif clair et formalisé de prévention des créances non performantes. Ce dispositif doit être cohérent avec les orientations stratégiques de l’établissement et sa politique d’appétence pour le risque et comprendre notamment :

  • des procédures claires de sélection des contreparties ;
  • un système d’alerte précoce tel que défini par l’article 8 de la présente circulaire ; et
  • un processus de recouvrement formalisé et efficace.

Article 6Les établissements doivent procéder à la segmentation de leur portefeuille de créances de manière à former des groupes d’actifs homogènes auxquels des traitements similaires peuvent être appliqués.

Les critères de segmentation sont fixés en fonction des spécificités du portefeuille et doivent être revus périodiquement pour vérifier l’homogénéité des groupes quant à leur réaction aux facteurs de risque de crédit.

Article 7Durant tout le cycle de vie de la créance, l’établissement doit établir une approche interne claire d’évaluation de la viabilité économique et financière des débiteurs sous forme de lignes directrices consignées dans un document établi par la structure de gestion des risques et approuvé par l’organe de direction.

L’approche d’évaluation de la viabilité doit comprendre une analyse économique et financière de la situation des entreprises et des professionnels concernés en se basant sur leurs plans d’affaires, les projections de cash-flows, le niveau d’endettement global courant et l’appréciation de la solvabilité.

Pour les débiteurs dont l’engagement global auprès du système financier dépasse 25 millions de dinars, les plans d’affaires et les plans de trésorerie doivent être revus par un expert-comptable inscrit au tableau de l’ordre des experts comptables de Tunisie.

L’évaluation de la viabilité doit se baser sur les états financiers certifiés des trois derniers exercices et comporter au minimum l’analyse des deux indicateurs financiers suivants :

  • EBITDA/ Charges
  • -Le ratio de couverture des charges financières : financières.
  • -Le ratio de levier: Dettes/ EBITDA.

Pour apprécier la viabilité du débiteur, l’établissement doit déterminer des seuils pour les indicateurs d’analyse retenus en tenant compte le cas échéant des spécificités sectorielles.

Cette évaluation doit tenir compte, le cas échéant, de la situation financière du groupe d’affaires auquel appartient l’entreprise en se basant notamment sur les états financiers consolidés certifiés.

Pour les particuliers et les professionnels non soumis à l’obligation d’établir des états financiers selon la législation en vigueur, l’analyse de leur viabilité doit au

moins tenir compte de leur capacité de remboursement et de leur historique en matière de règlement de leurs engagements.

Article 8Les établissements doivent mettre en place un système d’alerte précoce sur les éventuelles difficultés des débiteurs sur base individuelle et des groupes d’affaires en vue d’agir et de prendre les mesures correctives avant que la situation ne devienne compromise.

A cet effet, les établissements doivent définir, pour chaque segment de portefeuille, un ensemble d’indicateurs quantitatifs et qualitatifs leur permettant de détecter, en temps opportun, les signes de difficultés au niveau de la situation financière, de l’activité et des agissements du débiteur.

Le système d’alerte précoce doit tenir compte tant des informations récentes que des données prospectives pertinentes et ce, sur base individuelle et à l’échelle du groupe d’affaires.

Article 9L’établissement doit établir, en se référant notamment au système interne de notation des contreparties, une liste des débiteurs sous surveillance «watch list» comprenant au moins les créances classées 1 au sens de la circulaire n°91-24 susvisée et les créances restructurées. L’établissement doit fixer de manière claire et formalisée, les critères et la durée d’inclusion sur cette liste en statuant sur la nature passagère ou non des difficultés du débiteur.

L’établissement doit mettre en place un plan d’actions pour le suivi et la réduction du risque de crédit sur les débiteurs figurant sur cette liste. Il doit fixer des délais raisonnables pour les mesures envisagées et désigner les personnes en charge de leur implémentation.

Chapitre 3

Du dispositif de résolution des créances non performantes

Article 10Les établissements, dont la part des engagements bruts non performants dans le total des engagements sur base individuelle est supérieure ou égale à 7%, doivent élaborer une stratégie écrite de résolution des créances non performantes visant à réduire ces créances en termes de volume, de nombre et

d’ancienneté pour atteindre une part inférieure à 7% et ce, dans un horizon raisonnable ne dépassant pas dans tous les cas 5 ans à partir de l’année 2022.

Pour les établissements qui présentent une part des engagements bruts non performants supérieure ou égale à 10% compte tenu des engagements cédés à leurs filiales de recouvrement, la stratégie de résolution des créances non performantes susvisée doit permettre de ramener cette part à un niveau inférieur à 10% et ce, dans un horizon raisonnable ne dépassant pas dans tous les cas 5 ans à partir de l’année 2022.

La période de mise œuvre de la stratégie prévue par le présent article doit intégrer l’année 2022.

Article 11L’élaboration d’une stratégie de résolution des créances non performantes requiert au préalable la préparation d’un rapport interne portant évaluation de l’environnement opérationnel interne et externe de l’établissement en vue de déterminer les obstacles éventuels et de décider des actions nécessaires à mettre en œuvre.

Ce rapport doit être validé par l’organe d’administration et comprendre au moins les éléments suivants :

  • les facteurs ayant conduit à l’accumulation des créances non performantes et ce, pour les segments significatifs ;
  • la nature des mesures de résolution mises en œuvre dans le passé et leurs limites ;
  • l’évaluation des capacités opérationnelles de l’établissement (politiques de crédit, de recouvrement, de restructuration, dispositif de suivi des créances, organisation et moyens, etc.) ; et
  • l’identification des aspects devant être améliorés pour atteindre les objectifs de réduction des créances non performantes.

Article 12La stratégie de résolution des créances non performantes visée à l’article 10 de la présente circulaire doit notamment :

  • comprendre des objectifs cibles quantitatifs de réduction des créances non performantes en termes de part, de volume, de nombre et d’ancienneté. Ces

objectifs doivent être déclinés notamment par horizon temporel, par segment de portefeuille et par mesure de mise en œuvre ;

  • être cohérente avec les politiques de gestion de risques et de planification des fonds propres de l’établissement ;
  • inclure des politiques d’apurement de bilans, de cession des créances et de gestion des actifs acquis au titre de recouvrement des créances ; et
  • être déclinée en un plan opérationnel de mise en œuvre qui définit, selon un calendrier précis, les différentes actions à mener pour atteindre les objectifs cibles de réduction des créances non performantes et les investissements et moyens requis à cet effet (système d’information, organisation, effectifs, etc.).

Article 13Les établissements doivent arrêter les mesures de résolution envisageables dans le cadre de la mise en œuvre de leur stratégie de résolution.

Les mesures de résolution décidées doivent être justifiées en tenant compte :

  • de la situation financière récente du débiteur ; et
  • de l’arbitrage entre les différentes mesures de résolution sur la base de l’analyse des avantages économiques et des coûts relatifs à chaque option.

Dans ce cadre, les mesures de restructuration doivent cibler les débiteurs jugés viables et coopératifs par l’établissement.

Article 14Tous les établissements doivent radier de leurs bilans, les créances classées 4 depuis 5 ans et plus qui satisfont aux conditions de radiation fixées par la législation fiscale en vigueur et mettre en place un dispositif efficace de recouvrement et de suivi de ces créances.

Article 15Les établissements doivent définir un processus formalisé et transparent de gestion des actifs qui sont devenus en leur possession dans le cadre des modalités de recouvrement permises par la législation en vigueur. Ce processus doit permettre à l’établissement d’assurer la protection de ces actifs et leur cession dans des délais raisonnables avec la maximisation de leur valeur de vente.

Article 16Les établissements visés par l’article 10 de la présente circulaire, doivent mettre en place, au sein de leur organisation, une unité opérationnelle «workout unit» chargée exclusivement de la résolution des créances non performantes et ce, dans les conditions suivantes:

  • -être séparée des structures chargées de l’octroi des crédits et avoir un rattachement hiérarchique différent de ces structures ;
  • -avoir un rattachement hiérarchique suffisamment élevé lui conférant des pouvoirs spécifiques en matière de résolution selon un schéma délégataire dédié ;
  • -être adaptée au volume et aux spécificités du portefeuille des créances non performantes et des mesures de résolution envisagées ; et
  • -disposer en permanence des ressources adéquates en termes d’effectifs, de compétences et de système d’information.

L’unité de résolution doit adresser un reporting trimestriel sur son activité au comité des risques.

Chapitre 4

De l’application du dispositif de prévention et de résolution des créances non performantes pour les grands risques et les débiteurs cofinancés

Article 17Dans le cadre de l’application de la présente circulaire, les établissements doivent veiller à se concerter et à coordonner leurs actions lors des phases de prévention et de résolution pour les grands risques et les opérations de restructuration des engagements des débiteurs cofinancés.

Par grands risques, on entend les débiteurs ou les groupes d’affaires dont l’engagement global auprès du système financier dépasse 100 millions de dinars.

Article 18Sauf décision écrite contraire des membres du pool bancaire ou du débiteur, l’établissement le plus engagé doit assurer le rôle de chef de file du pool bancaire et piloter les actions de concertation et de coordination visées à l’article 17.

A ce titre, les établissements doivent, sous l’égide de l’Association Professionnelle Tunisienne des Banques et des Etablissements Financiers, signer une convention cadre approuvée par la Banque Centrale de Tunisie qui fixe les

obligations et les droits du chef de file et des autres membres du pool bancaire. Cette convention doit notamment couvrir :

  • -La collecte et le partage des informations pertinentes sur les débiteurs et notamment les états financiers.
  • -Le suivi et l’analyse de la situation des débiteurs.
  • -La concertation pour les financements importants.
  • -La coordination pour les actions de recouvrement et de restructuration.

Article 19Pour les grands risques, le chef de file est tenu d’exiger un rapport annuel sur la gouvernance, l’activité, les performances, la liquidité, la solvabilité du débiteur et, le cas échéant, les relations entre les entités du groupe d’affaires. Ce rapport doit être revu par un expert-comptable inscrit au tableau de l’ordre des experts comptables de Tunisie. Ce rapport doit également être exigé si les concours sollicités sont de nature à faire augmenter l’engagement global du débiteur ou du groupe d’affaires au-delà de 100 millions de dinars.

Le chef de file est également responsable vis-à-vis de la Banque Centrale de Tunisie de :

  • -lui communiquer le rapport visé au premier paragraphe du présent article ;
  • -lui communiquer au plus tard le 30 juin de chaque année une note d’évaluation par l’établissement de la gouvernance et de la situation économique et financière ainsi que les diligences prises pour maîtriser les risques pour chacun des débiteurs concernés; et
  • -l’informer sans délai de tout évènement susceptible d’affecter la viabilité des débiteurs concernés et de toute opération de restructuration y afférent.

Chapitre 5

Dispositions diverses

Article 20Les établissements doivent adapter leur système de contrôle interne pour s’assurer du respect des exigences de cette circulaire et du bon fonctionnement des dispositifs mis en place.

La structure d’audit interne est tenue d’évaluer, au moins une fois tous les deux ans, les processus de prévention et de résolution des créances non performantes.

Article 21Les établissements doivent communiquer à la Banque Centrale de Tunisie :

  • -une feuille de route validée par l’organe d’administration avec un calendrier précis pour le respect des dispositions de la présente circulaire dans un délai de trois mois à compter de la date de publication de la présente circulaire ;
  • la stratégie de résolution des créances classées et le plan opérationnel de sa mise en œuvre validés par leur organe d’administration et ce, pour les établissements visés par l’article 10 et au plus tard le 31 décembre 2022. La Banque Centrale de Tunisie se prononce sur la soutenabilité de cette stratégie ;
  • un rapport annuel validé par l’organe d’administration sur les résultats de l’activité de résolution des créances non performantes ainsi que tout changement intervenu sur la stratégie de résolution et ce, au plus tard fin avril de l’année qui suit; et
  • l’approche relative à l’étude de la viabilité prévue à l’article 7 de la présente circulaire dans un délai de 6 mois à compter de sa publication.

Article 22Les établissements seront soumis à un processus de surveillance dédié pour s’assurer qu’ils accomplissent les diligences nécessaires en matière de prévention et de résolution des créances non performantes. En cas de manquement aux exigences prévues par la présente circulaire, des mesures disciplinaires pourraient être appliquées conformément à la législation en vigueur.

Article 23La présente circulaire entre en vigueur à compter de la date de sa publication.

Le Gouverneur,

Marouane El ABASSI

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